Vous êtes réquisitionné : comment contester ?
La permanence des soins en médecine ambulatoire est une mission de service public, basée sur le volontariat des médecins libéraux et destinée à assurer la prise en charge des demandes de soins non programmés, exprimés par les patients, et ce par des moyens adaptés.
Le pouvoir de réquisition du préfet dans le cadre de la permanence des soins est mis en œuvre si le tableau de garde reste incomplet après que le conseil départemental de l’Ordre des médecins ait tenté de le compléter en recueillant l’avis de l’URPS médecins, des représentants des médecins des centres de santé, et des associations de permanence des soins.
Sur le rapport établi par le conseil départemental de l’Ordre, adressé au directeur général de l’ARS, et faisant état des avis recueillis et dressant la liste des médecins susceptibles d’être réquisitionnés, le préfet procède aux réquisitions nécessaires.
Le pouvoir de réquisition des préfets est un outil fréquemment utilisé lorsqu’un secteur de garde n’est pas couvert pas un médecin.
Comment se présente un arrêté de réquisition ?
En pratique, vous pouvez être réquisitionné par téléphone, l’autorité requérante devant décliner son identité et donner les termes précis de la mission. Toutefois, cette réquisition devra être confirmée par écrit.
L’arrêté de réquisition, qui doit être individuel, doit impérativement préciser les éléments suivants :
- L’identité et la fonction du requérant ;
- Les références juridiques (Code de la santé publique) ;
- La nature de la réquisition ;
- La date de début et de fin de mission ;
- La signature du requérant.
Doit-on obligatoirement s’y soumettre ?
Le médecin recevant un arrêté de réquisition à l’obligation légale d’y déférer sous peine d’être condamné à payer une amende de 3750 euros (article L.4163-7CSP).
Les seules dérogations possibles à l’obligation de déférer peuvent être :
- la force majeure (maladie, inaptitude, obligation d’aller donner des soins urgents…) ;
- l’incompétence technique (la mission confiée est totalement en dehors de la pratique habituelle du médecin requis.)
En outre, le refus de déférer à une réquisition de l’autorité publique peut avoir pour conséquences des poursuites pénales, une mise en cause de la responsabilité civile professionnelle et une sanction disciplinaire.
Il ne faut pas oublier en effet qu’en matière de responsabilité pénale, de faute, d’homicide et blessures involontaires « un médecin généraliste, réquisitionné par le préfet pour assurer une garde de nuit, qui ne prend pas les dispositions nécessaires pour être joint, commet une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne peut ignorer. » (cf Chambre criminelle de la Cour de cassation du 13 février 2007- Bulletin d’information de la Cour de cassation n°662 du 1er juin 2007).
Cela signifie que ne pas déférer à la réquisition, lorsque l’on est en dehors d’une action de masse (type grève collective comme en 2001-2002) apparaît extrêmement dangereux sur le plan de la responsabilité médico-légale du praticien ou en tous cas, cela signifie que si celui-ci est appelé pendant la durée de la garde où il est requis il devra se conformer à ses devoirs de médecins et notamment ne pas omettre de porter secours aux patients qui aurait besoin de lui.
A défaut de pouvoir y déroger, il est donc fortement conseillé d’effectuer la réquisition alors même que vous souhaitez exercer un recours contre cette dernière.
Comment faire son refus d’être réquisitionné ?
Si vous avez l’habitude d’être réquisitionné, nous vous incitons à faire connaître votre position de refus au Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins, à l’ARS et à la Préfecture, et à adresser à réception de chaque nouvelle réquisition un courrier avec AR au Préfet pour l’informer que vous refusez le principe de la réquisition dont vous faites l’objet. Nous vous conseillons néanmoins de préciser, aux termes de ce même courrier, que si le Préfet ne trouve personne pour assurer la garde à sa place, vous vous conformerez à la décision que vous ne manquerez pas d’attaquer devant la juridiction administrative compétente.
Dans ce courrier, vous pouvez reprendre les motifs liés à la sécurité des patients et également invoquer les motifs suivants :
- Le Refus du travail forcé (article 4 de la Convention Européenne des droits de l’homme) « Nul ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire ».
- Les motifs liés à la situation familiale du médecin, à son activité professionnelle (acupuncture, homéopathie..).
- L’absence de justification légale et législative de la réquisition. La réquisition d’un médecin doit être justifiée par une menace sérieuse sur la santé publique. Or, il n’existe aucune menace sérieuse, puisque les services hospitaliers assurent leur service.
- L’absence de couverture RCP en cas d’accident (article 160-7 du code des assurances.). La réquisition de services entraîne de plein droit la suspension des effets des contrats d’assurance de dommages du requis au profit exclusif de la responsabilité de l’Etat. Cette suspension dure pendant toute la période de réquisition. Toutefois, pour ne pas créer de difficultés supplémentaires, certaines compagnies d’assurance ont décidé de ne pas en faire application, en se réservant évidemment la possibilité de se retourner ensuite contre l’Etat.
En outre, il est à noter que les réquisitions sont des réquisitions de services, et non de matériel… La voiture servant à effectuer la visite dans le cadre de la réquisition est-elle comprise? On peut donc conseiller, en cas de demande de visite dans le cadre d’une réquisition de contacter les services du Préfet pour lui demander la fourniture d’une voiture, et au besoin, d’un chauffeur. L’excès de fatigue pouvant entrainer la mise en danger d’autrui.
L’arrêt de la CJCE du 9 septembre 2003 (affaire JAEGER) a affirmé qu’un médecin hospitalier devait bénéficier à compter de la fin de sa garde, et quel que soit le taux d’activité de celle-ci, de ses 11H de repos. Toutefois, ceci ne trouve pas son parallèle dans le secteur de la médecine libérale puisqu’un médecin invoquant l’excès de fatigue en raison d’un activité trop chargée notamment due aux astreintes a été condamné pour faute médicale.
Vous devrez impérativement adresser une copie de ce courrier à l’ARS et au CDOM.
Ce courrier a essentiellement pour objectif de maintenir la pression pour tenter de finir par faire céder le Conseil de l’Ordre et aussi, le cas échéant, de permettre aux services préfectoraux de trouver un autre médecin pour remplir le tableau de garde (au risque de mettre en jeu votre responsabilité pénale, comme citée plus haut).
Si, en revanche, vous décidez de vous conformer à la réquisition et d’attaquer les réquisitions devant la juridiction administrative, il vous faut savoir que seule la réquisition attaquée pourra être annulée et qu’il vous faudra recommencer cette action à chaque fois que vous serez réquisitionné… Vous ne serez donc pas dispensé définitivement.
En effet, seul le Conseil Départemental de l’Ordre peut dispenser, temporairement ou définitivement, un médecin du tour de garde sur sa demande. Seuls les motifs tirés de l’âge du médecin, de son état de santé, et de ses conditions d’exercice, pourront être pris en compte.
La situation familiale du médecin, l’orientation donnée à son activité professionnelle ne justifient pas une exemption des obligations de garde. La décision du Conseil départemental de l’Ordre doit être motivée et est susceptible de recours devant le Conseil national de l’Ordre.
Comment attaquer un arrêté de réquisition et quels arguments invoquer ?
Le Préfet doit motiver son arrêté de réquisition en expliquant en quoi la réquisition est nécessaire pour la santé publique du territoire et pourquoi il réquisitionne tel médecin plutôt que tel autre. Les motivations doivent être liées à l’absence ou l’insuffisance de médecins volontaires pour participer à la permanence des soins au sein d’un secteur géographique (article R.6315-4CSP).
En vertu d’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat, trois circonstances doivent être réunies pour que le recours à la réquisition soit jugé légal :
- L’existence d’un risque grave pour la santé publique ;
- L’impossibilité pour l’administration de faire face à ce risque en utilisant d’autres moyens ; – L’existence d’une situation d’urgence.
A défaut d’un de ces éléments vous pouvez invoquer l’illégalité de l’arrêté.
Il peut être contesté dès réception, sur le motif qu’il y a un service public qui fonctionne, en l’occurrence celui de permanence des soins, et qui peut assurer la continuité des soins à la population.
Le médecin peut saisir le Tribunal administratif en référé afin qu’il ordonne une suspension des effets de l’arrêté de réquisition.
Pour cela le médecin doit apporter la preuve de la situation d’urgence et de la non légalité de la réquisition.
Afin que cette procédure soit efficace le médecin doit parallèlement faire un recours pour excès de pouvoir devant les juridictions administratives compétentes dans le délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêté de réquisition.
Les arguments devront en principe être les mêmes que ceux contenus dans le courrier initialement adressé à l’Ordre, à l’ARS et au Préfet, mais avec de plus longs développements juridiques.
Vous devrez alors prendre contact avec votre compagnie d’assurance RCP qui pourra peut-être prendre en charge les procédures dans le cadre de la protection juridique qu’elle vous doit et vous orienter vers un cabinet d’avocats spécialisés en droit administratif, la procédure étant administrative.
Grèves de la PDSA et réquisitions : la conduite à tenir !
Vous faites actuellement la grève de la permanence des soins ambulatoires et êtes réquisitionnés. Un bref rappel des règles s’impose, notamment pour contester. Explications.
La grève en médecine libérale
S’agissant des professionnels de santé libéraux, la notion de grève n’est pas encadrée de manière aussi précise que dans le droit du travail applicable aux salariés des services publics. Leurs obligations en matière d’information préalable des autorités compétentes sont notamment limitées. Si dans le cadre de la permanence des soins ambulatoires, le bon fonctionnement des dispositifs implique que le professionnel inscrit au tableau de garde notifie son refus d’assurer la garde pour laquelle il était initialement engagé, aucun préavis ni aucune obligation de signalement des absences ne sont prévus en dehors de ces services au regard du droit.
La réquisition préfectorale
Dans un premier temps, l’ARS procède aux démarches nécessaires, soit auprès du CDOM, soit directement auprès des professionnels concernés, en vue de déterminer si les professionnels inscrits sur les tableaux honoreront leur tour de garde ou s’ils se sont fait remplacer. Dans l’hypothèse où les réponses obtenues feraient apparaître des carences, les ARS sont habilitées à demander au préfet des réquisitions pour compléter le tableau de garde, en raison de l’urgence, sur la base de l’article L. 2215-1 du Code général des collectivités territoriales.
La réquisition est notifiée par le préfet du département par le biais d’arrêtés individuels ou collectifs. En cas de réquisition collective, elle doit mentionner une liste nominative des personnels concernés. La réquisition peut être notifiée de différentes façons : remise en main propre, courrier recommandé avec accusé de réception, ou tout autre moyen de communication (appel téléphonique, SMS, courriel…). Une copie de l’arrêté doit ensuite être remise au début de la réquisition. L’arrêté doit préciser les textes juridiques qui fondent la décision, l’identité de la personne concernée, l’objet de la réquisition et le motif, mais aussi le lieu, la période et les horaires de la réquisition. Les modalités de la prise en charge financière doivent être annexées à l’arrêté. Il ne peut donc y avoir de réquisition « dans le flou », « au cas où »…
Les motifs de refus
Selon le Code de la santé publique, tout refus de déférer à une réquisition de l’autorité publique est passible d’une amende de 3 750 euros. Des poursuites pénales, une mise en cause de la responsabilité civile professionnelle et une sanction disciplinaire peuvent également être envisagées. Deux dérogations sont toutefois prévues : le cas de force majeure, comme la maladie, une inaptitude quelconque ou une obligation de délivrer des soins urgents ; l’incompétence technique, notamment si la mission confiée est incompatible avec la pratique habituelle du médecin requis. Lors de chaque réquisition, nous vous recommandons de signifier votre refus par courrier avec accusé de réception au préfet, et d’adresser une copie au CDOM et à l’ARS. A défaut de pouvoir y déroger, il est fortement conseillé d’effectuer la réquisition quand bien même vous souhaiteriez exercer un recours contre cette dernière.
Les recours juridiques
Tout arrêté de réquisition peut faire l’objet d’un recours gracieux ou contentieux en annulation et en suspension devant le juge administratif, mais encore faut-il avoir le temps de faire juger ce recours avant de devoir déférer à la réquisition…