Empatix à la recherche de la nouvelle convention : le grand débat
15 décembre 2022
Nous sommes en 2022. Toute la Gaule se vide irrémédiablement de ses médecins.
Toute ? Non ! Quelques villages peuplés d’irréductibles praticiens gaulois résistent encore et toujours à la morosité. Et la vie n’est pas toujours facile pour ces valeureux guerriers.
Assurancemaladix semble avoir peur. Écrire directement aux médecins la veille d’une grève, c’est du jamais vu.
Il est vrai que la mobilisation était forte, et la revendication passée dans les médias, claire, simple et provocante. 50 euros, un point c’est tout, c’est simple même si ce n’est pas, loin s’en faut, la revendication de tous.
Il a accepté de débattre avec Empatix, pour désamorcer la situation. C’est un Assurancemaladix sûr de lui, droit dans ses bottes, qui commence le débat, dans une salle gonflée à bloc.
« Vous ne pouvez pas revendiquer un truc pareil. 50 euros pour quoi ?
– D’abord, tout le monde ne revendique pas 50. Ensuite, nous ne demandons pas à gagner plus mais à gagner mieux. Notamment, pour s’entourer et rémunérer une équipe !
– La bonne blague ! Les paramédicaux ne veulent pas être vos salariés. Et la Cnam finance des assistants médicaux, non ?
– On n’est pas sûr que ce soit pérenne.
– Ça semble quand même bien parti pour que ça le devienne. Je peux m’y engager, en tout cas.
– Mais vous avez vu les conditions qu’il faut, augmenter sa patientèle, sa file active…
– Au poker je paie toujours pour voir, coupe un Assurancemaladix bien offensif en ce début de débat.
– Et les locaux ? Vous nous les payez dans les grandes villes ?
– Il y a des aides dans chaque région.
– Vous trouvez ça normal de mendier pour trouver un local ? L’activité économique générée par notre travail ne devrait pas suffire ?
– Vous proposez quoi alors ?
– Un Optam rénové pour tous sous condition, notamment dans les grandes villes. Ça ne coûterait rien à la Cnam. Ou un forfait FPMT nettement revalorisé dans ces lieux. C’est bien plus ici que dans les ZIP qu’il est question d’argent.
– Pourquoi pas, je note. Mais les ZIP sont importantes aussi.
– Certes, mais le problème de la désertification est avant tout une problématique d’aménagement du territoire. Il n’y a pas de désert médical, il n’y a que des déserts tout court, nous ne cessons de le répéter.
– Pour autant, nous devons bien trouver une solution.
– Et le burn out des médecins ? poursuit un Empatix qui a repris du poil de la bête.
– L’argent ne fait pas le bonheur…
– Travailler mieux rend heureux.
– C’est à dire ?
– Privilégier la qualité à la quantité.
– Mais pour la qualité, il y a la Rosp.
Éclat de rire général dans le public.
Assurancemaladix se racle la gorge, s’en voulant de ce premier faux pas. Empatix enchaine :
– Je voulais dire prendre son temps avec chaque patient et arrêter de devoir leur couper la parole en moins de trente secondes parce qu’on ne peut pas dépasser quinze minutes par patient si on veut pouvoir embrasser ses gamins le soir…
– Donc vous aurez besoin de déléguer aux IPA, pharmaciens et kinésithérapeutes, sinon qui verra ces patients ?
Crispation dans la salle. Assurancemaladix se relance. Empatix ne se démonte pas.
– La nouvelle convention des IPA prévoit 210 euros annuels par patient. Donc à 800 patients elle gagne mieux qu’un médecin, vous trouvez ça normal ?
– Ce n’est pas prévu qu’elle ait plus que 500 patients car c’est calé sur les 35 heures.
– Et nous, nos soit disant 92 000 euros nets annuels, ils sont calculés sur plus de 52 heures hebdomadaires. Ils passent vite sur cet état de fait, vos amis journalistes.
– Mais vous voulez passer à la capitation comme les IPA ? Je veux bien en discuter, sourit Assurancemaladix.
Brouhaha dans la salle, le stratège a réussi son coup.
– Vous connaissez notre réponse.
– Ecoutez, les IPA ne sont plus un problème si vous êtes augmentés.
Murmure dans la salle. Ay ! Trop à l’aise peut être, notre Assurancemaladix, et ce petit relâchement d’Assurancemaladix offre à Empatix l’occasion de rentrer dans le vif du sujet.
– On rentre enfin dans le concret.
– 30 euros la consultation, c’est pour commencer à rattraper le retard.
– 30, ça rattrape à peine l’inflation. Et 30 en 2023, c’est toujours 30 en 2027, non ?
– Nous pouvons toujours réfléchir à un mécanisme automatique de revalorisation annuel.
– Admettons…
– Quatre consultations annuelles complexes pour chaque patient en Ald à 60 euros, en tiers payant.
– Pas mal… et ensuite ?
– Des consultations très complexes. En psychiatrie, en pédiatrie, pour la prévention…
– Une heure c’est G4, donc 120. C’est notre ministre Brownix qui le dit.
– Oui, oui, il n’a pas tout à fait dit ça, mais discutons-en, on va voir le contenu.
– Il y a beaucoup de consultations complexes. Et chaque médecin quel que soit sa spécialité devrait avoir accès à toute la NGAP et la CCAM, nous sommes qualifiés pour cela.
– Mais vous ne savez même pas l’utiliser bien, votre cotation… Regardez l’argent que vous avez perdu à ne pas en user. Le test de Hamilton, par exemple, est bien rémunéré ! Il faut que la profession apprenne enfin à utiliser ce qui existe !
– C’est une fois par an seulement ! Mes patients dépressifs viennent un peu plus souvent, vous savez…
– Discutons-en ! Si nous vous permettons de mieux prendre en charge les pathologies psychiatriques avec 4 Hamilton par an pourquoi pas…
– Et les Soins Non Programmés sur un patient inconnu ? demande un Empatix devenu gourmand.
– Le SNP majoré de 15 euros, nous en discuterons.
– Et ensuite ? Comment vous comptez nous inciter à prendre toujours plus de patients, remplir leurs dossiers médicaux dans mon Espace Santé ?
– En augmentant aussi les forfaits et notamment le Fpmt. Et l’indice du point du forfait structure et de la Rosp.
– Beaucoup n’en veulent plus de ces deux-là !
– Pas tous, loin de là. Je ne me fie pas qu’à celui qui hurle le plus fort sur les réseaux sociaux. Les forfaits sont utiles aussi pour éviter la course à l’acte. Nos sondages prouvent que les médecins les plébiscitent.
Nouveau fou rire dans la salle.
– Honnêtement, je ne sais pas où vous commandez vos sondages ! s’agace Empatix. Non mais vous avez vu ce que vous avez fait de la Rosp ?
– Il y a peut-être trop de critères en effet. Toilettons cela.
– Toiletter ne veut pas dire supprimer le déclaratif ! Et le forfait structure, version avenant 9, on dirait Big Brother ; il nous surveille et on ne capte rien.
– L’argent de la Cnam, c’est notre affaire à tous. C’est normal de vous inciter à participer aux économies structurelles, à la télétransmission.
– Parlons-en. Vous savez que je télétransmets tous mes arrêts de travail, mais n’ai que 75% de taux, et il en faut 80%. Et vous savez pourquoi ? Parce que j’ai beaucoup de patients qui ont des régimes de sécu où la télétransmission n’existe pas…
– Oui, oui, je suis au courant, nous arriverons un jour à ce que même la MGEN fonctionne. On a bien réussi avec le RSI.
– Oui, en le supprimant…
– Bref, Vous pouvez toujours contester auprès du médecin conseil.
– Ben tiens… on n’a que ça à faire ! Nous vous voyez, en plus de toutes ces indispensables mesures tarifaires, il y a un point essentiel à restaurer : la confiance entre nous.
– Mais je ne demande que ça, mon cher Empatix.
– Alors, pour vous montrer que la souffrance de mes collègues est réelle, je vous invite à la fête de fin d’année, nos compagnons de route vous interpréterons en musique leurs doléances.
– Avec plaisir !
Débat viril mais correct dans l’ensemble, dans l’esprit « droits et devoirs » qui anime cette négociation conventionnelle décidément pas comme les autres.