Mesdames, Messieurs,
Chères Consœurs, Chers Confrères, Chers amis,
Permettez-moi tout d’abord de vous accueillir à la domus medica et de vous remercier de votre présence ici au siège de la CSMF. Vous aurez tous constaté que notre maison a changé. Les travaux entrepris il y a près de 2 ans ont doté la CSMF de locaux modernes et fonctionnels au service du premier syndicat des médecins libéraux, de ses adhérents et de tous ceux qui veulent faire avancer la médecine libérale. Il nous faudra encore 3 petites semaines de travaux pour ouvrir notre espace événementiel situé au rez-de-chaussée de la domus medica où nous aurons le plaisir d’y accueillir de nombreuses manifestations. L’amphithéâtre et les 3 salles de formation connectés nous offrent un outil de travail tout à fait exceptionnel en plein cœur de Paris. Vous ne tarderez pas à recevoir une invitation pour l’inauguration officielle qui aura lieu au printemps en présence des représentants du monde de la santé que nous aurons plaisir à recevoir pour cette occasion.
Cette cérémonie de vœux devrait se dérouler dans un climat apaisé et festif comme il en est usage. Et pourtant, la médecine libérale a la gueule de bois. Elle se sent chaque jour un peu plus méprisée et déconsidérée. Les attaques incessantes que vivent les médecins libéraux ont atteint un paroxysme jamais rencontré. Plus que quiconque, les médecins libéraux sont en première ligne dans la réponse aux besoins de soins de la population française. Et plus que quiconque, ils sont confrontés aux difficultés croissantes d’accès aux soins. Qui peut imaginer qu’en assurant 80% des consultations et l’immense majorité des actes techniques, les médecins libéraux ne sont pas en première ligne de la réponse aux demandes de soins de la population. Mieux que quiconque, parce qu’étant en première ligne, c’est le médecin libéral qui est confronté à ces demandes pressantes d’une population qui peine à trouver un médecin. Et nous ne sommes pas responsables de cette difficulté d’accès aux soins. Ni nous, ni les patients bien sûr. Il serait peut-être temps que les politiques aient l’humilité de reconnaître leurs erreurs. Par une politique démographique diminuant drastiquement le nombre de médecins, et faisant fi des conséquences du départ des baby boomers, les politiques sont responsables de cette situation. Il ne s’agit pas pour moi de demander des comptes ou de mettre au pilori tel ou tel ancien chef de gouvernement. Mais, ne pensez-vous pas qu’une déclaration liminaire reconnaissant les erreurs du passé serait un premier geste ? Les médecins libéraux ne sont pas fous. Au contraire, ils sont responsables. Ils sont engagés au service de leurs patients. Ils demandent juste de la bienveillance et les moyens nécessaires pour traverser cette période si difficile.
Mais, à l’évidence, nous n’en sommes pas là. Le gouvernement nous demande d’en faire plus en faisant des économies. N’est-ce pas la traduction d’un sous ONDAM de ville à 2,9% quand l’inflation est à 6,5% ? La CNAM se joue de nous en tournant autour du pôt repoussant sans cesse les négociations tarifaires depuis 2 mois ½. Alors, oui la CSMF sous ma présidence, a inscrit son programme dans une politique de droits et de devoirs. Oui, j’ai proposé à la CSMF de soutenir un nécessaire engagement populationnel. Oui, j’ai maintes fois affirmé que cela concernait tous les acteurs de la santé. Notre gestion de la pandémie à Covid et notre engagement quotidien sont autant de marqueurs des devoirs réalisés par les médecins libéraux qui consacrent 55h par semaine à une activité de soins. Les devoirs nous les assumons déjà et depuis longtemps. Aujourd’hui, on nous demande d’en faire plus. Et certains de nos élus nous menacent même de PPL coercitives si nous n’y répondions pas. Même France Assos Santé s’y met et ose demander la capitation dans son dernier communiqué de presse. Auraient-ils oublié de regarder ce que cela a donné en Angleterre ? N’est-ce pas au Royaume Uni que les médecins généralistes gagnent 40% de plus que leurs homologues français ? N’est-ce pas au Royaume Uni que la durée moyenne de la consultation est de 7 minutes quand elle est de 18 minutes en France ? N’est-ce pas au Royaume Uni que le P4P a été inventé pour tenter, en vain, d’améliorer la qualité des soins ? N’est-ce pas de Grande Bretagne que de nombreux patients viennent se faire opérer en France ? Restons sérieux. En France, les médecins libéraux assument leurs devoirs et plus encore. Mais ces devoirs sont l’affaire de tous. Quand on a plus de 28 millions de consultations non honorées, nous devons, comme la CSMF l’a fait encore très récemment avec France Assos Santé et les sociétés d’agendas en ligne, travailler pour améliorer cela. Il en va de l’accès aux soins. Mais ces devoirs sont aussi et surtout ceux de l’Etat. On ne remettra pas la médecine française sur les rails sans moyens. Ces moyens que réclament les médecins sont les devoirs de l’Etat et ces devoirs de l’Etat sont nos droits auxquels nous aspirons légitimement.
L’année 2023 a débuté avec deux évènements majeurs qui radicalisent les médecins libéraux pourtant peu habitués aux luttes sociales :
La PPL RIST tout d’abord.
La CSMF refusera sans relâche toute proposition de loi qui irait dans le sens d’une dégradation de la qualité des soins. Ce serait irresponsable quand nous savons que le France est passée en 13 ans de la première à la 8ème place en ce qui concerne l’espérance de vie en bonne santé. Les IPA dans leurs fonctions actuelles doivent être renforcées. Mais cela ne se fera pas sans une valorisation des consultations médicales par une hiérarchisation telle que la CSMF le propose. Rappelons-nous que le forfait annuel d’une IPA atteint 180€, bien loin de ce que gagne un médecin généraliste ou spécialiste pour prendre en charge un patient souffrant d’une maladie chronique. Si la CNAM ne veut pas entendre que la valorisation de l’expertise médicale est la base du renouveau de notre système de santé, nous irons vers une aggravation de l’accès aux soins. Valoriser notre expertise incitera les médecins à travailler de concert avec une IPA dans la prise en charge des patients souffrant d’une pathologie chronique stabilisée.
La PPL RIST va beaucoup plus loin, beaucoup trop loin. Les français doivent en avoir conscience. Le médecin est le garant de votre diagnostic et du traitement à mettre en œuvre. Il a fait 12 ans d’études pour cela. Il en a la compétence et en assume la responsabilité. Si un accès direct devait voir le jour afin d’améliorer l’accès aux soins, cela ne pourrait se concevoir en dehors d’une équipe de soins traitante dont le médecin est le chef d’orchestre et dans le cadre d’un exercice coordonné et protocolisé, c’est-à-dire répondant à des référentiels précis. Cela est encore plus vrai pour la primo prescription.
Non content des éléments initiaux de cette PPL, le gouvernement a introduit dans l’amendement 391 la notion d’une responsabilité collective de participation à la permanence des soins, tant en établissement de santé qu’en ville. Et revoilà le spectre des gardes obligatoires laissant la porte ouverte aux ARS pour réquisitionner les médecins libéraux afin de prêter main forte à l’hôpital. Souvenons-nous que la PDSA est assurée dans 96% du territoire. On a dépassé le stade du mépris. Nous sommes entrés dans l’ère de l’humiliation.
Les négociations conventionnelles
Deux objectifs doivent être poursuivis :
- améliorer l’attractivité du métier de médecin libéral
- améliorer l’accès aux soins
C’est dans ce cadre et afin de répondre à ces deux objectifs que la CSMF a proposé une hiérarchisation des consultations à 4 niveaux qui, en valorisant l’expertise du médecin contre une moindre fréquence des consultations chez un même patient souffrant d’une pathologie chronique stabilisée, libérera du temps médecin. C’est la pierre angulaire de notre programme pour valoriser les spécialités cliniques mais aussi l’exercice de tous les médecins. Cette hiérarchisation améliorera ainsi l’accès aux soins. Nous portons par ailleurs un contrat d’engagement populationnel incitatif. Or, aujourd’hui, ce que l’on met sur la table fait office d’épouvantail pour des médecins de plus en plus excédés par leurs conditions d’exercice. A côté des spécialités cliniques qui doivent attirer toute notre attention, ces dernières étant menacées de disparaître en médecine de ville si nous ne les rendons pas enfin attractives, la CSMF n’oublie pas les spécialités médico-techniques et chirurgicales. Chacun comprendra que l’association d’un acte clinique et d’un acte technique, dans le même temps, améliore l’accès aux soins. Alors, arrêtons de tergiverser et allons y. Chacun comprendra que si la visite à domicile n’est pas valorisée elle disparaîtra et avec elle le service apporté par de nombreux confrères médecins généralistes traitants et ceux exerçant au sein de SOS médecins. Chacun comprendra facilement que la valeur des actes techniques gelés depuis des années faisant fi de l’inflation et de l’augmentation du coût de la pratique ne peut plus rester ainsi. Là aussi, la valeur du point travail doit être mise sur la table des négociations conventionnelles.
Face à ces nombreuses crispations, les médecins libéraux sont en colère. Les appels à la grève se multiplient venant de toute part. Après la fermeture des samedis matins, la CSMF a appelé l’ensemble des médecins libéraux à se mettre en grève de la PDS. Ce cri est un cri du cœur de vos médecins. C’est un cri de colère mais aussi un appel à l’aide. La CSMF en a fait part encore très récemment au gouvernement. Ne jouez pas le pourrissement de la situation. Nos demandes sont justifiées, accessibles et produiront les effets attendus par nos concitoyens.
Hier soir, tous les syndicats médicaux représentatifs se sont réunis. A l’unanimité, et afin de se faire entendre du gouvernement, les décisions suivantes ont été prises :
- Comme nous l’avions annoncé la semaine dernière, nous suspendons notre participation aux groupes techniques. En revanche, nous irons aux bilatérales et tout particulièrement à la prochaine où la CNAM devrait enfin nous annoncer, après 2 mois ½ de tergiversations, les niveaux proposés de valorisation envisagée. Je crains sincèrement que nous ne soyons pas au bout de nos surprises…
- Nous appelons les médecins à stopper les heures supplémentaires c’est-à-dire la PDS, le SAS et les samedis matin.
- Nous appelons tous les médecins libéraux à une manifestation devant le Sénat le 14 février prochain, jour de la discussion de la PPL RIST.
- Nous demandons au gouvernement :
- Une enveloppe additive à l’ONDAM de ville pour notre convention
- Ce qui relève de la convention n’a pas à être traité par la loi
- Le niveau 1 des consultations ne doit pas être assujetti à des contraintes
Vous aurez donc constaté que ces vœux sont combatifs. On ne nous donne pas le choix. Permettez-moi bien évidemment de vous souhaiter une très bonne année et de vous présenter nos meilleurs vœux pour vous et tous ceux qui vous sont chers.