La CNAM ne peut plus fuir devant ses responsabilités

Chères Consœurs, Chers Confrères, Chers Amis,

La médecine libérale est en ébullition. Trop longtemps délaissée des politiques publiques par les différents gouvernements, la médecine libérale connaît aujourd’hui une crise sans précédent. Cela touche tous les modes d’exercice, à commencer par la médecine générale et les spécialités cliniques, mais cela concerne également les spécialités médico-techniques et chirurgicales. Les tarifs des consultations médicales sont devenus inacceptables et ne nous donnent plus les moyens de nous organiser pour répondre à la demande de soins de nos concitoyens comme nous l’avons toujours fait. Il en va de même en ce qui concerne les actes techniques dont le coût de la pratique est gelé depuis 18 ans. Cela ne peut plus durer ainsi.

La CSMF s’est engagée à défendre toutes les spécialités médicales. Le cœur de notre projet est axé sur une hiérarchisation des actes de consultations en 4 niveaux allant, selon leur complexité et leur fréquence, de 30, 60, 75 à 105 €. Cette hiérarchisation devra valoriser l’expertise médicale dont nous sommes fiers et en particulier la prise en charge des patients les plus complexes, souffrant de maladies chroniques en ALD ou les consultations des nourrissons souvent longues et difficiles. Mais cette valorisation devra aussi concerner la visite médicale d’urgence relevant d’un niveau 2 à 60 €. Sans cela, les visites à domicile disparaîtront, pénalisant les plus fragiles de nos concitoyens. La CSMF demande à la CNAM des aides urgentes et un accompagnement spécifique pour les médecins les plus en souffrance qui exercent dans les territoires les plus déficitaires.  Parallèlement, la CSMF porte une nécessaire simplification d’une convention dont la multiplicité des majorateurs et des lettres clés a rendu son application très difficile et trop souvent inappliquée. Les négociations conventionnelles ont débuté le 9 novembre dernier dans un climat de tension inédite. Nous en connaissons tous les raisons. Les honoraires insuffisants, un épuisement croissant où les médecins, après 2 ans de lutte contre la Covid, ont en moyenne accru leur patientèle de près de 20% au prix de semaines de travail dépassant les 55 heures, des attaques incessantes de députés et de certains responsable de l’hôpital public qui ont tendance à oublier que la médecine de ville c’est 2 millions de consultations par jour, 80% des consultations, 80% des actes d’imagerie médicale, 80% de l’endoscopie digestive et 60% de la chirurgie. Cette tension a été exacerbée par un ONDAM de ville inadapté aux enjeux.

Avec une progression du sous ONDAM de ville fixée 2,9%, soit près de 3,5% sous le niveau de l’inflation, le gouvernement nous demande de réorganiser notre système de santé et l’accès aux soins des Français en faisant des économies ! Enfin, nous faisons l’objet d’attaques incessantes de certains de nos élus qui n’ont de solutions que la coercition, le conventionnement sélectif ou encore le transfert de compétences vers d’autres professions de santé cherchant à créer un corps d’officiers de santé qui mettra à mal la médecine libérale et la qualité exemplaire de la prise en charge de nos concitoyens.  Par cette attitude, le politique va à l’encontre de toutes les avancées en matière d’exercice pluri-professionnel.

La coupe est pleine et pourtant la CSMF, après avoir appelé à rejoindre le mouvement de grève des 1er et 2 décembre, n’a pas appelé à la fermeture totale des cabinets médicaux pendant les fêtes, mouvement qui a été reconduit depuis le 1er Janvier. Nous n’appelons pas non plus à manifester début janvier. Notre décision, prise à l’unanimité du conseil national de la CSMF, a été de rester mobilisé, de maintenir la pression sur le gouvernement en appelant à la fermeture des cabinets les samedis matins, samedis où on nous refuse d’honorer la permanence des soins tant en ambulatoire qu’en établissement de santé. Non, ce n’est pas une décision “petits bras” ! La CSMF est un syndicat puissant et responsable. Et nous le revendiquons. Si d’aucuns cherchent le KO dont les premières victimes sont nos patients et revendiquent des tarifs dont les promoteurs eux-mêmes disent qu’ils sont inatteignables, la CSMF porte des revendications fortes, construites et économiquement atteignables sans délai. Tous les médecins partagent aujourd’hui la même colère et le sentiment de mépris est unanimement partagé par chacun d’entre nous. Les premières séances de négociations en bilatérales ont ouvert la porte d’une hiérarchisation des consultations, idée maîtresse de la CSMF aujourd’hui reprise par nombres d’autres syndicats de médecins. Elles ont ouvert une nécessaire simplification de la convention mais aussi de nos pratiques. Certes, ce ne sont que de bonnes intentions. Nous en sommes parfaitement conscients. Aucun tarif n’a jusqu’ici été avancé par la CNAM.

Les prochaines bilatérales débuteront dès la semaine prochaine. La CNAM ne peut plus fuir devant ses responsabilités et ne pas ouvrir enfin le champ des tarifs médicaux mais aussi celui de la fréquence des consultations complexes dont on sait combien il est prégnant pour nous tant économiquement qu’en termes de qualité de soins. La confiance doit être restaurée. Moderniser nos pratiques avec des assistants médicaux, c’est rendre leur financement pérenne et stable. Favoriser l’accès aux soins, c’est aider nos médecins retraités qui prolongent leur exercice, au service des patients, en les exonérant de leurs cotisations retraite. Encourager l’installation, c’est offrir aux jeunes une rémunération stable et simple fondée sur cette hiérarchisation des actes que nous appelons de nos vœux, et une simplification avec revalorisation des différents forfaits.

Il est capital que nous restions tous mobilisés. La confiance que nous avons mise en la politique voulue par le Ministre de la Santé et de la Prévention doit être suivie des actes. Notre slogan “droits et devoirs » doit maintenant être suivi des faits. Les devoirs nous les honorons depuis longtemps. Nos droits ont trop longtemps été oubliés. La CSMF ne lâchera rien afin que les médecins soient correctement honorés et que leur digne rémunération leur donne enfin les moyens de s’organiser afin de répondre, comme ils l’ont toujours fait, aux besoins des Français dans un contexte démographique en tension.  Nous sommes à un tournant de la discussion. Si le gouvernement ne fournit aucune garantie, la CSMF saura par des actions et une mobilisation puissante, se faire entendre et défendre les intérêts des médecins libéraux.

Permettez-moi à nouveau de vous souhaiter une très bonne année 2023.

Avec mes salutations les plus amicales et sincèrement dévouées,

Dr Franck DEVULDER
Président CSMF